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Témoin

 

PROCHAINEMENT UN LARGE RESUME

Le mariage de ma meilleure amie avait lieu sous un soleil radieux. Nadège resplendissait dans sa robe crème bordée de dentelle rouge. Quelques fleurs piquées dans sa chevelure, de fines mèches qui s’échappaient de son chignon : rien ne déparait, tout était parfait. L’homme à son bras arborait un large sourire. Il était rasé de frais, son after-shave sentait le musc. Dans son costume gris perle, il avait fière allure. Le couple respirait le bonheur.

Nadège, ma meilleure amie, se mariait. J’étais son témoin. Qui mieux que moi ? Nous nous connaissions depuis la maternelle. Elle ignorait ce qui m’avait lié à Fabrice. Et ce dernier avait pris garde de ne rien révéler.

Je me tins à côté d’elle à la mairie, droite sur la chaise de paille qui me grattait. J’alignai dans une écriture serrée les lettres qui composaient mon nom, rendis le Bic à l’adjoint du maire qui suait à grosses gouttes. Le cher homme, satisfait de sa prestation, me serra la main au moment de quitter la salle. Une grosse main aux doigts boudinés terminés par des ongles courts. Avant de me la tendre, il l’avait essuyée contre son pantalon dans un geste qu’il pensait sans doute discret. Sa main restait cependant poisseuse.

Des sourires, des bises tant et plus, oh ce qu’il fait chaud, on ne l’aurait pas cru ce matin, et autres balivernes que l’on débitait pour meubler le silence. Le pigiste prit note du futur lieu de résidence, après avoir photographié les nouveaux mariés. L’article figurerait dans l’édition du lendemain ; la famille s’empresserait d’acheter le journal.Nous étions tous plantés devant les marches de la mairie et cachions notre embarras par une joie feinte. Tous espéraient sans doute que le cortège se mettrait rapidement en branle :l’église apporterait un peu de fraîcheur. Se marier à la mi-août

a ses avantages et ses inconvénients. La tante Jacinthe radotait sous sa capeline.

L’assemblée chantait ou mimait, en bougeant les lèvres, des paroles naguère apprises. Le prêtre, paumes vers le ciel,chevrotait sa louange au Seigneur. La tante Jacinthe s’époumonait.

Elle chantait faux, malheureusement. À côté de moi,le cousin Charles portait un pantalon à rayures. Il avait laissé la veste dans la voiture. Faut pas déconner, avec cette chaleur ! m’avait-il glissé sous le portique. Il s’était cru, après cette entrée en matière, obligé d’accompagner ma solitude. Venue sans cavalier ! J’avais déjà essuyé la commisération du clan des vieilles. Elles avaient chuchoté dans mon dos avant de me plaindre tout haut.

Le cousin Charles s’était donc assis sur le même banc.Pendant le Gloria, il s’était lourdement dandiné et s’était ainsi rapproché de quelques centimètres. Oui, j’ai péché ! Oui, j’ai vraiment péché ! Tête basse en signe de contrition, il lorgnait

mes cuisses. Je ne sais ce qui me passa par la tête, je les écartai l’une de l’autre. La jupe remonta de plusieurs centimètres. Ma petite culotte serait tantôt visible. Le cousin Charles fut pris d’une quinte de toux. Je lui souris avec bienveillance. Sa main

frôla ma cuisse.

Quelques heures plus tôt, je m’examinais devant mon miroir. Je n’avais pas les moyens de m’offrir une toilette neuve.J’avais emprunté une robe à ma soeur. Or, Laëtitia avait un peu moins de poitrine que moi… Le tissu du décolleté était 

tendu à son maximum, ma poitrine compressée, mes seinsprêts à jaillir. C’était ça ou le tailleur basique que j’enfilais à chaque entretien d’embauche. Autrement dit, moins d’une fois par mois depuis que je me trouvais au chômage. C’était

peu glorieux. Ma vie tout entière était peu glorieuse : mon ancienne relation avec Fabrice qui avait tourné au fiasco, le fait qu’il m’avait plaquée et, comble de l’humiliation, se mariait à présent avec ma meilleure amie, alors que j’assisterais

à leur mariage sans être accompagnée. J’avais pensé louer les services d’un bel homme, comme dans ces comédies romantiques où l’héroïne malchanceuse se trouve prise au piège et n’a que ce moyen de faire bonne figure. Dans ces films sirupeux,

le bellâtre se rend subitement compte qu’il est l’employé de la femme de sa vie. En happy end, leur propre mariage. Oui, j’avais pensé à ce stupide scénario, mais je n’avais pas un sou vaillant et ce genre de prestation coûtait bien trop cher. Un

cauchemar. Comment éviter d’assister à ce mariage ? Impossible. Je me devais d’être là, pour Nadège. J’étais son témoin. Je m’apprêtai donc, en me forçant à sourire dans le miroir, à affronter cette journée.

Le couple avait loué un coquet pavillon, muni d’une vaste salle de réception, construit dans un parc arboré. Un cadre idyllique pour les festivités. Quelques invités, dont je faisais partie, y passeraient la nuit. Auparavant, un dîner des plus fins y serait servi : le traiteur qui oeuvrait avait excellente réputation. Ma gourmandise, éveillée à cette idée, chassa les pensées ternes. Il ne tenait qu’à moi que cette journée fût inoubliable,aussi gourmande que les mets servis à table. De nombreux plaisirs m’attendraient, si j’en décidais ainsi. Ne dit-on pas que les mariages sont l’occasion de rencontres sentimentales ? .........(page 7-8 & 9 du roman)

 

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