BD & Littéraires
Passion-Livres
- Comment as-tu commencé à écrire ? Qui te lisait au début ?
L'écriture est pour moi une très longue histoire d'amour dont je ne me rappelle pas exactement quand elle a débuté. Je pense que la passion était ancrée en moi, bien avant ma venue en ce monde. Pendant les diverses périodes de ma vie elle était en attente d'éclosion, privilégiant le bon moment pour pleinement se manifester. J'ai toujours aimé écrire, rien que pour éprouver le contact de la plume sur le papier. Quand j'ai débuté il n'y avait pas d'ordinateurs, du moins l'informatique n'avait pas cet engouement particulier que lui portent les gens aujourd'hui. Cela se faisait de manière traditionnelle, je dirai quasi artisanale. Ce contact avec les saveurs papetières de mon enfance a certainement favorisé ma destinée littéraire. Aussi loin que je me rappelle j'ai toujours aimé lire et j'entretiens une relation très particulière avec les livres. Je ne serai jamais un lecteur de eBooks. Il me faut éprouver la texture du papier, flatter son grain, respirer son odeur, m'imprégner des émotions que véhicule le premier contact, caresser la couverture, sentir le livre palpiter entre mes mains. C'est une relation érotico-amoureuse assez perverse, je l'avoue. Ma passion de la lecture a été déterminante dans ma volonté d'aller plus loin dans la découverte des mots. Dans ce formidable laboratoire d'expérimentation qu'est l'écriture, ma femme, Jobi, et mes filles ont été mes premières lectrices. Jobi est d'une patience à toute épreuve. Je ne sais pas comment elle fait mais elle le fait et ça me va bien. Une amie, ancienne enseignante, m'a poussé sur ce chemin ardu. Elle croyait en moi. Je l'ai prise au mot. Avant je n'écrivais pas dans l'intention d'être lu.
- Quel est ton genre favori ?
Je suis extrêmement pointilleux et compliqué dans mes choix de lecture. Je ne lis du roman que depuis très récemment, pour voir ce que mes collègues de plume font, pour enrichir mon vocabulaire, entre autres. Je suis avant tout un passionné d'histoire et d'ésotérisme. Je fais dans le pointu. Je suis très exigeant en Connaissance et en savoir. Dans ces genres, il y a quantité de chemins à explorer. Cela englobe les biographies, que je dévore, la philo, les sciences inexpliquées. Mais je littérature également. Il y a de très belles choses que je ne veux absolument pas louper.
- Quel est ton processus créatif ? Qu’arrive-t-il avant que tu ne t’asseyes à écrire ?
Ma méthode est très simple. En vérité je prends très peu de notes, mis à part un mot entendu par-ci par-là . J'ai toujours un petit carnet et un stylo à portée de main. Parfois j'ai le "cerf-volant". J'ai la mémoire qui flanche. Alors si l'inspiration me paraît bonne, je note. Il m'arrive de me lever en pleine nuit pour coucher sur le papier. Quand j'aborde un thème, il est une règle que je ne transgresse jamais. Mis à part les recherches proprement historiques ou d'archives, je ne lis jamais ce qui tourne autour du sujet que j'aborde. C'est une façon pour moi de préserver mon inspiration et cela m'évite de "polluer" mon imagination. Cela empêche également de piller, volontairement ou pas, les idées et le travail des autres. C'est tentant parfois mais je ne marche pas sur ce chemin. Pour ce qui est du processus par lui-même, quand j'ai une idée je laisse macérer. Il peut se passer plusieurs jours, voire plusieurs semaines sans que j'écrive vraiment. Dans ma tête tout prend forme progressivement, tout s'emboite au fur et à mesure de ma réflexion. Je peux passer des heures perdu les yeux dans le vague. Mon entourage pense que je ne fais rien. Erreur ! J'écris dans ma tête, je crée mes personnages, je visite des horizons invisibles et je m'imprègne de paysages qui ne sont que dans mon imagination. Par contre quand l'idée est ancrée en moi, je peux écrire un chapitre, deux ou davantage en quelques jours. Ce n'est que le premier jet. Après, bien entendu, je passe à l'étape de l'amélioration. Je perfectionne le texte, j'habille les mots de couleurs, de poésie, je revisite les paysages… C'est le travail le plus long de ma méthode créative mais pas la plus désagréable. Et puis quand je suis vraiment en panne d'inspiration, je pioche une dizaine de mots que j'imagine en relation avec les écrits du moment et je laisse courir mon imagination. Cela marche à tous les coups. Du moins en ce qui me concerne. Ai-je répondu à ta question ?
- À quelle personne es-tu le plus à l’aise : à la première ou à la troisième personne ?
J'écris toujours à la troisième. Écrire à la première implique de parler de soi en général. Il y a assez de gens qui écrivent sur eux pour ne pas en ajouter un de plus. D'ailleurs je n'aime pas parler de moi et qu'aurai-je d'assez intéressant à dire me concernant pour passionner les lecteurs ? Je ne me rêve pas. Je suis contre le viol de l'intimité. Ce que j'ai vécu, ce que j'ai fait à certaines époques de mon existence je le garde pour moi, en mon âme et conscience. Sincèrement je ne suis pas un égotique de la plume.
- Quels écrivains admires-tu le plus ?
Ouh là ! Question piège. Je demande un joker. Je plaisante. Ils sont légion. Il y a tellement d'auteurs que j'admire. Dans la foulée : Malraux, Irène Némirowsky, Sagan, Simone de Beauvoir, Sartre, Céline, Kafka, Gide, Dostoïevsky et tant d'autres. Mais mes préférés restent indubitablement Camus et Gary. Romain Gary étant mon auteur fétiche. Sa vie m'a passionné. Sa mort, il s'est suicidé, m'a fasciné. Nombre de grands écrivains ont choisi ce mode de départ pour l'Orient Eternel. Ce n'est pas une malédiction, juste une profonde réflexion. Je connais la question que tu risques de me poser. Rassure-toi. Je ne suis pas un grand écrivain et ne le serai sans doute jamais. Je ne cours aucun risque.
- Qu’est-ce qui rend crédible un personnage ? Comment crées-tu les tiens ?
Pour moi ce sont les liens que tu crées avec tes personnages qui les rendent vraisemblables. Les liens que tu tisses avec lui dépendent, à mon avis, de la relation que tu as avec les gens dans la vie. Mon personnage est un être vivant que je pourrais rencontrer dans la rue ou que j'ai croisé dans le passé, peut-être dans une vie antérieure, qui sait ? Donc je le respecte, j'établis en priorité une relation humaine entre lui et moi, même si c'est un parfait filou. Je lui parle, je mange avec lui, j'écoute ce qu'il a envie de me dire, je "dors" avec lui si nécessaire et je lui donne l'aspect, le caractère, le physique que ma relation avec lui inspire.
- Au plus profond de ta motivation, pour qui écris-tu ?
Avant tout j'écris pour moi, parce que j'ai des choses à dire, à me dire. Puis après je vais vers les autres. Je sais c'est égoïste. Mais c'est normal quand on écrit. La solitude est le lot quotidien de l'écrivain. Sa passion avec les mots se construit forcément au détriment de sa famille et de ses loisirs et par prolongement, du monde qui l'entoure. C'est un choix.
- Les avis (négatifs ou positifs) des lecteurs te servent-ils ?
Un avis, quel qu'il soit, ne se néglige pas. S'il est positif, voire franchement positif, cela ne change rien mis à part la satisfaction que cela entraine. S'il est négatif il est forcément enrichissant et de bon conseil puisqu'il va obliger l'auteur à évoluer, à faire l'effort de tenir compte des appréciations des lecteurs, à se bonifier pour plaire et donner envie que l'on continue à le lire.
- T’imposes-tu une discipline, en terme de calendrier, d’objectifs etc. ?
Non ! C'est selon mon ressenti personnel. J'écris quand j'en ai envie, quand j'ai le temps. Pas de calendrier. Quant aux objectifs, me faire plaisir à mon rythme, pas de date butoir. Je ne vis, malheureusement, pas de ma plume. Je n'ai aucune contrainte sinon celle de terminer ce j'ai commencé.
- De quoi t’entoures-tu quand tu écris pour favoriser ta concentration ?
De silence, l'implacable silence, l'absolu silence. Écouter le silence c'est pénétrer les secrets de l'univers et dialoguer avec l'être secret qui est en chacun de nous. Et, régulièrement, de la compagnie de Bandit, mon petit Chihuahua. Il est sur mes genoux ou confortablement calé sur mes pieds pendant que je tapote le clavier. Rarement de musique, elle est déjà dans ma tête.
- Écris-tu sur écran, imprimes-tu souvent, corriges-tu sur papier...? Quel processus suis-tu ?
Sur écran de plus en plus. Je ne néglige pas le papier quand j'ai la flemme d'ouvrir l'ordi. Et puis je dois t'avouer que je rature tellement que je devrais dépenser des fortunes en papier pour assouvir ma passion. Rien que pour cela l'ordi est un outil très pratique. Je n'imprime qu'en phase finale. Et pour la correction j'ai quelques bonnes fées qui veillent sur moi.
- Quelle a été ton expérience avec les maisons d’édition ?
Bonne ou mauvaise une expérience est toujours enrichissante. Si elle est bonne, on continue l'aventure. Si elle est moins bonne, voire désagréable, je change de crèmerie. Il n'y a pas de commune mesure. L'édition est un océan tourmenté où rodent maints prédateurs. C'est un monde de requins qui dévorent tout ce qui passe à leur portée. Escrocs, intermédiaires, exploiteurs et autres charlatans hantent les couloirs des maisons d'éditions. Pourquoi crois-tu qu'il y en a tellement ? Cela rapporte gros et très souvent au détriment de celui qui a du talent et qui sacrifie ses loisirs pour vivre sa passion : l'auteur.
- Sur quel projet travailles-tu en ce moment ?
Mon troisième roman, évidemment. Je n'en dirai pas davantage. C'est top secret. Je peux juste te dire que ça risque de faire grincer les dents de certaines personnes trop proches des bénitiers. Certainement que si j'avais vécu au moyen-âge ou dans un passé pas trop éloigné, j'aurai été brûlé en place publique. J'en suis convaincu. Nous vivons dans un monde qui s'est libéré de certaines entraves obscurantistes. Je n'ai aucun mérite, je profite de la situation. Je m'essaye aussi à la poésie. Ce n'est pas vraiment mon genre mais je dois avouer que cela me permet de souffler et de complètement assumer ma relation perverse avec les mots.
- Le dernier mot est pour toi…
Merci de m'avoir écouté.
Petite bio non exhaustive :
Juan Bernabeu est natif de Barcelone. Quand ses parents s'éloignent définitivement du régime franquiste pour tenter le rêve démocratique, ils s'installent dans la région bordelaise où un grand oncle anarchiste, exilé politique de la Guerre d'Espagne, leur ouvrira les portes de sa maison. Juan a 5 ans et garde un souvenir impérissable de ce colosse fragilisé par son éloignement de la terre natale, toujours penché sur sa table de travail, affairé à rassembler ses souvenirs et à noircir des piles de cahiers d'une écriture énigmatique et illisible. C'est le premier contact avec l'écriture. Le combat pour la liberté de ses aînés donnera à son esprit une farouche volonté d'indépendance qui le poussera à rejeter toute forme d'extrémisme ou de fanatisme. De ses racines catalanes Juan garde le goût du soleil, la passion du bleu Méditerranée, des senteurs de garrigues. Il aime les notes aigües des sardanes, les couplets nostalgiques racontant l'histoire des hommes qui font pousser le pain parmi les pierres, les fragrances telluriques qui véhiculent des émotions olfactives impérissables, la solitude intelligente qui force l'inspiration.
Obsédé par les paysages rocailleux, les rases végétations et les panoramas qui se confondent avec l'horizon, il l'est aussi par l'Écriture. L'auteur quinquagénaire laisse vagabonder son imagination sur l'écume frémissante de son vague à l'âme. Agnostique déclaré, ses écrits n'en sont pas moins imprégnés d'une forme de spiritualité poétique dont il enrobe ses mots pour les rendre moins âpres, plus attrayants, jouant de la tonalité des consonnes et des voyelles pour créer la musicalité de ses émotions et des sentiments qu'il aime partager avec ses lecteurs.
En mars 2012 sort son premier ouvrage, Secrets Fraternels, édité aux Éditions Carbonnier-Quillateau. L'histoire d'un homme qui fera de sa quête de fraternité une véritable descente aux enfers. Une incroyable machination dans les allées du Pouvoir où une organisation criminelle aura accompli l'impossible exploit d'infiltrer un ange exterminateur au cœur de la plus prisée des institutions Républicaine : la Franc-maçonnerie. Une histoire tout simplement rocambolesque où amour et passion rythment avec vie et mort.
Les Pierres d'éternité, le dernier roman de Juan, est sorti fin novembre 2013. Édité par la Société des Écrivains, l'ouvrage bénéficie d'une sortie nationale et est également distribué dans les pays francophones. L'auteur a laissé vagabonder son imagination pour remettre en cause les mythes et légendes de la Création et des dieux. En suivant les pérégrinations d'un modeste chaman d'une tribu du néolithique, Juan Bernabeu nous emmène à la limite des Terres-Rouges, là où des pionniers venus d'un autre monde ont lancé les bases d'une nouvelle façon de vivre et de penser qui fera irrémédiablement évoluer l'humanité encore empreinte des mentalités de l'âge de pierre. Un voyage émouvant dans le cœur des hommes mais aussi dans un environnement sauvage et impitoyable.
Un troisième manuscrit est en cours. L'auteur n'a pas voulu en dévoiler la teneur. Aucune date n'est fixée pour sa parution. Juan Bernabeu veut se donner le temps de mûrir sa réflexion et de pénétrer chaque mot qui, posés les uns après les autres, formeront la trame de son troisième roman. Un projet de recueil de poésie n'est pas impossible. Là aussi, aucun objectif, aucune contrainte, histoire de laisser le temps au temps.
Retrouvez l'auteur sur :
sa page facebook : https://www.facebook.com/juan.bernabeu.12
sur son site littéraire : http://juan-bernabeu.wifeo.com